Article Cathie Hubert.
Episodes 1 à 18.
"Si on ne peut vous nommer vous n'existez pas".
"Il se noue autour du prénom une maille symbolique. Son importance est telle qu'il serait notre "essence" même, inséparable de notre être." D'après le psychanalyste Juan Eduardo Tesone, le prénom constitue pleinement notre identité.
Un des partis pris symboliques dans Sefirin Kizi repose sur ce thème, l'amour entre les deux protagonistes, est enserré dans cette problématique et connu d'eux seuls. Le monde autour du couple continue sa course, aveugle à de ce qui se joue à l'intérieur, en creux, dans l'histoire. Il y a les évènements et il y a l'amour de Sancar et Nare avec leur propre problématique. La série en ce sens est duelle. Elle a besoin, pour faire avancer l'histoire, des péripéties scénaristiques, mais au fond, ce qui importe, c'est bien l'épopée entre les deux personnages. La symbolique du nom y tient une place importante.
Dans la première saison, Sancar ignorant de la vérité et croyant que Nare l'a quitté, ne peut prononcer son nom. Celle qu'il a perdue, est restée symboliquement la Nare innocente de ses jeunes années, celle en qui il avait confiance. Il ne la reconnaît pas ( au sens de connaître à nouveau ) puisqu'il ne connaît pas la vérité et du coup, l'âme de Nare qui n'est pas "vue" par Sancar, ne peut respirer. La jeune femme continue à bouger marcher, mais son être est enfermé. En perdant son amour au début de l'histoire, elle a perdu son souffle vital. Elle ne prononcera enfin le nom de Sancar que lorsqu'il aura fait le difficile chemin vers la vérité, vers la reconnaissante de ce qui s'est passé et l'acceptation de la souffrance de Nare.
"Le souffle est un élément symbolique du monde subtil, intermédiaire entre la terre et le ciel, de la vie invisible; un mobile universel et purificateur"
Nare retrouve son souffle de vie, son âme, quand Sancar dit son nom dans l'épisode 13. Cette scène devant la cabane de leur enfance est particulièrement poignante, Sancar libère Nare en prononcant son nom et commence par amour, le chemin difficile vers la réparation, et la rédemption.
Dans la saison deux, nous basculons dans l'inverse. La terrible nouvelle pour Nare de la grossesse de Menekshe, au moment où elle pouvait espérer, est un coup d'arrêt brutal dans le chemin qu'elle parcourt pour pardonner à Sancar. Ce traumatisme l'empêche alors à son tour, de pouvoir prononcer le nom de Sancar, qui du coup se retrouve en chûte libre, un oiseau sans ailes, un navire à la dérive, un homme sans racines. Il est celui qui cherche le pardon, il n'existe plus si elle ne dit pas son nom, puisque c'est elle qui le met au monde avec son amour. Il a besoin de cette reconnaissance pour oublier sa culpabilité et se retrouver.
Comme on le voit dans l'épisode 18, il va jusqu'à risquer de perdre la vie pour la sauver et sauver la possibilité d'un amour enfin incarné.
Mais elle ne prononcera pourtant pas le nom de Sancar. Nare oublie tout pour sauver Sancar prête à lui donner sa vie. Elle aussi a commencé le voyage vers le pardon, mais nous savons qu'il reste encore un long chemin à parcourir. La vie qui va autour d'eux, les papillons qui tournent autour, se brûlent les ailes, satellites d'une épopée dont ils sont écartés. Sancar et Nare cheminent vers l'union, la seule possible, qui est celle de la confiance en l'autre, sans conditions et pour cela il faudra que Nare le nomme et ainsi lui redonne son identité perdue. Ils naviguent vers la reconnaissance véritable de l'essence de leur être là ou l'égo n'a plus cours. En cela la série Sefirin Kizi, sous couvert de légèreté, est bien dans la lignée des grandes histoires d'amour classiques et universelles que nous aimons tant. Servie par deux acteurs talentueux en particulier Engin Akyürek, acteur lyrique ( voir mon autre article portrait de l'acteur) qui dans ce rôle de tourmenté passionné ouvre grand les vannes de son expressivité flamboyante.
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